Rousseau est-il individualiste ou totalitaire? C'est une des questions qui, depuis la Revolution francaise, ont suscite beaucoup de debats. En effet, du moins au premier abord, la pensee politique rousseauiste nous semble comporter ces deux aspects bien differents, voire contradictoires. D'ou vient une telle structure double? La question reside essentiellement dans les formulations de la volonte generale et de la volonte de tous, formulations par lesquelles Rousseau distingue nettement deux sortes de volonte qui tendent sans cesse a se confondre. Ces formulations, d'autant plus celebres qu'enigmatiques, apparaissent toutes deux dans Du Contrat Social, et toutes les contradictions que les commentateurs ont relevees leur sont etroitement relatives. Nous essayons ici d'interpreter ces formulations par analogie avec le calcul infinitesimal qu'a invente Leibniz. Grace a cette analogie, nous pourrions introduire le concept d' integration dans la lecture de Rousseau et, de la sorte, nous serions enfin a meme de surmonter les difficultes d'interpretation si tenaces et dues a la question susdite. Dans le present article, nous employons les mots "individu", "tout" et leurs derives dans le meme sens que Leibniz donnait aux mots "Monade", "Univers" et leurs synonymes dans la Monadologie. A notre avis, Rousseau a du s'en etre inspire lorsqu'il a ecrit Du Contrat Social; bien des passages reputes difficiles a percer de ce dernier, s'avereraient, de ce point de vue, parfaitement clairs et coherents.
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